Les Conférences
De la rentrée d'octobre au mois d'avril, la Société organise
une réunion mensuelle
de ses membres, de 14h30 à 17h, dans l'enceinte de l'auditorium de la médiathèque Louis Aragon. Les sujets très variés, qu'un support iconographique agrémente souvent, sont exposés par des conférenciers membres de la Société ou extérieurs, sous la seule responsabilité des auteurs.
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2024
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Le 8 novembre
LES PATOIS DE L'OUEST FRANÇAIS SONT-ILS SI DIFFÉRENTS ?
Rencontre entre patoisants, animée par l'association Heulâ,
Dans le prolongement de la sortie de l'ouvrage Heulâ c'est la fête, l'association sarthoise Heulâ a décidé d'organiser un cycle de trois rencontres sur les patois. Notre Société a bien voulu accueillir la première, qui réunissait des personnalités représentant les parlers gallo, bas-normands, angevins, mayennais et sarthois, le tout constituant un véritable laboratoire linguistique du Grand Ouest français.
Après que chacune et chacun eut été invité à définir son propre parler, des ateliers d'expression furent proposés. L'un portait sur les premiers termes qui avaient été choisis dans les différents lexiques patoisants ; les autres consistaient à traduire des phrases, tantôt des divers parlers régionaux vers le français moderne, tantôt inversement, tous ces exercices étant ponctués d'échanges avec l'assistance, qui s'était prêtée au jeu. Des mots étaient lancés, aussitôt rattrapés, expliqués, échangés, tels adélaisi, pour enjoué, oisif, affutiaux pour habits, afourer pour donner à manger, adent pour renversé contre terre, achalé pour fatigué, et beaucoup d'autres encore qui se révélaient, le plus souvent, connus de tous les participants. Les volontaires furent ensuite invités à raconter une histoire de leur cru et la séance s'acheva par la découverte d'un poème composé par un Angevin mais dont toute l’assistance put appréhender pleinement, à la fois le sens et les subtilités.
Se trouvait ainsi confirmée l'hypothèse à l'origine du projet : nos parlers respectifs appartiennent à un ensemble linguistique commun, et cela, au-delà des multiples nuances qui contribuent à doter chacun d'eux d'une touche d'originalité. Au travers de ces fructueux échanges, furent aussi lancées des pistes, aux riches perspectives. On discuta des différences entre patois, dialectes et langues ; on s'interrogea sur la démarche qui consiste à considérer une culture orale comme une langue ; on imagina les moyens d'adapter, par la création de mots nouveaux, nos parlers aux exigences de la vie contemporaine ; on rêva d'une cohabitation entre les patois et le français officiel ; on reconstruisit un monde idéal peuplé de lettres et de mots qui se mêlaient en une "inter-intelligibilité" harmonieuse… Bref, on jeta les bases d'un chantier commun qui allait se concrétiser, dans l'immédiat, par deux nouvelles rencontres, l'une le 21 novembre sur le campus de l'Université, sur le devenir du patois, l'autre aux Archives départementales de la Sarthe, le 7 décembre, sur le thème de l'écriture du patois et son intégration dans la vie courante.
La qualité des échanges qui caractérisa la réunion de ce vendredi 8 novembre, à l'auditorium de la Médiathèque Louis Aragon, laisse augurer d'une réelle capacité à travailler ensemble, donc la perspective d'une action commune, fertile en réalisations.
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Le 11 octobre
La création des Sociétés d'agriculture sous Louis XV
et
l'Académie d'agriculture de France
Directeur de recherche honoraire de l’INRA,
Membre émérite et Vice-secrétaire honoraire de l’Académie d’agriculture de France
Face à une situation désastreuse des campagnes au milieu du XVIIIe siècle – ignorance, misère, rendements très faibles et aléatoires, disettes voire famines –, aux progrès de nombreuses sciences sous l’inspiration des Lumières et aux exemples de pays voisins (Angleterre, Pays-Bas, Suisse...), l’idée de « faire autrement » sur des surfaces contraintes progresse en France sous Louis XV, grâce aux actions déterminantes de Gournay, de Turbilly, Bertin et Trudaine : l’agriculture doit, elle aussi, être réfléchie et améliorée !
D’où l’idée de la constitution, dans chaque Généralité, d’associations agricoles nommées « Sociétés » assorties de « Bureaux » dans des villes voisines de leur siège. L’agriculture entre ainsi dans l’administration du Royaume. Par ailleurs ‒ et c’est fondamental ‒, un édit de 1761 institue la libre circulation des grains et farines dans tout le pays.
Entre 1761 et 1763, quinze Sociétés d’agriculture sont constituées. La première est celle de Tours (24 février 1761) avec des bureaux à Angers et au Mans ; la seconde est constituée à Paris le 1er mars 1761... Ces Sociétés permettent progressivement d’immenses avancées qui aboutiront à la Première révolution agricole des Temps modernes, c’est-à-dire à la rotation triennale sans jachère.
La Société d’Agriculture de Paris, active depuis 263 ans et connue sous douze appellations successives, deviendra, le 23 février 1915, l’Académie d’Agriculture de France. Son Hôtel est situé au 18, rue de Bellechasse, à Paris 7e.
Elle a pour devise : « Une passion : connaître, une ambition : transmettre », et comprend aujourd’hui 120 membres titulaires, 180 correspondants et 120 membres et correspondants d’autres nationalités. À 75 ans, tout membre devient émérite ou honoraire.
Tous sont répartis entre dix sections thématiques dont les titres sont associés à l’évolution des connaissances. Elle se réunit chaque mercredi en séance publique et travaille de plus en plus en groupes intersections œuvrant sur des thèmes d’actualité.
Ses membres sont élus sur cooptation puis échanges, et, enfin, vote.
Elle est administrée par six Officiers, dont un président élu pour un an, mais qui peut se représenter après un nouveau délai d’une année, un secrétaire et un trésorier perpétuels.
Sous l’appellation de Société, elle a publié principalement des Mémoires et un Bulletin des séances. Devenue Académie, sa publication phare est constituée par les Comptes rendus des séances..., sous forme papier puis numérique, depuis 2012 : un ensemble représentant de l’ordre de 250 000 pages.
Sa spécificité agricole a été progressivement élargie à l’alimentation humaine et à l’environnement.
L’Académie a toujours recherché son indépendance du pouvoir politique et des entreprises privées, d’où des moyens financiers et humains contraints.
Comme toute entité académique, elle a connu des périodes particulièrement brillantes comme, entre autres, après sa création, au cours de la seconde moitié du XIXe siècle et depuis 1945, toujours associées à des Officiers visionnaires et au recrutement de personnalités scientifiques du premier niveau.
Aujourd’hui, elle est, plus que jamais, confrontée à de nombreux défis tels que les nouveaux modes de communication et sa présence visible sur les réseaux sociaux, l’indispensable féminisation de ses effectifs, la participation accrue à ses travaux de membres d’autres nationalités, ses relations aux autres académies et sociétés dont provinciales....
Son thème directeur actuel s’inscrit dans la question de la faim et du développement en Afrique.
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Le 19 avril
L’art du vitrail par les Küchelbecker
Artistes peintres verriers au XIXe siècle
Fondateurs de la Fabrique de Saint-Joseph au Mans
par Dominique Barré
Au milieu du XIXe siècle, l’art du vitrail connut une renaissance et un dynamisme sans précédent. L’essor démographique et un nouvel élan religieux contribuèrent à multiplier les projets d’agrandissements et de reconstructions d’églises. L’intérêt se porta sur la restauration des verrières anciennes puis sur les nombreuses commandes de création de vitraux destinés à orner les récents édifices. Les maîtres-verriers s’employèrent à retrouver les techniques de fabrication du Moyen-Âge et firent appel aux savoir-faire des spécialistes des arts du feu des manufactures de Sèvres, Choisy-le-Roi et Munich. C’est dans ce contexte favorable que les deux frères Küchelbecker, Carl et Frédéric, employés à la Manufacture Royale de porcelaine de Munich, quittèrent leur pays natal pour venir s’installer au Mans dans les années 1840, à l’initiative de l’architecte Pierre Félix Delarue et d’Antoine Lusson, maître-verrier.
Dès 1853, les deux Allemands intégrèrent l’Office de vitraux peints du Carmel du Mans où ils exercèrent leur art jusqu’en 1881. Ces deux artistes reçurent le prix de Vermeil à l’exposition régionale du Mans en 1857 pour le vitrail de Saint-Augustin, aujourd’hui exposé à Lanneray dans l’Eure-et-Loir. Adeptes du mouvement nazaréen créé par Overbeck, leur choix artistique s’orienta vers le vitrail-tableau à la lecture plus accessible que les verrières hagiographiques. Considérés comme « la cheville ouvrière » du Carmel du Mans, l’historien Stéphane Arrondeau affirme qu’ils en étaient « les garants de l’identité picturale ». Artistes peintres sur verre ayant l’estime et la confiance des Carmélites, ils surent transmettre leurs compétences, leur passion du travail minutieux et raffiné à Maurice, seul héritier disposé à poursuivre l’œuvre de ses aïeux.
Maurice Küchelbecker : Né au Mans en 1853, il baigna dans cet univers artistique depuis sa naissance et fut lui-même formé et employé dans cette manufacture renommée. Témoin de l’évolution du Carmel, des ventes successives et des changements de propriétaires, il entreprit de créer, en 1881, sa propre fabrique de vitraux peints pour églises avec le soutien de son père Frédéric. C’est ainsi qu’en s’associant avec le cartonnier Alphonse Jacquier, La Fabrique de Saint-Joseph commença son activité, au 66, avenue de Paris. Leurs productions porteront la signature Küchelbecker & Jacquier.
Dès la première année, les commandes affluèrent grâce à la notoriété des fondateurs, acquise au fil des ans. Pour l’église néo-gothique de La Quinte, Paul Celier, chanoine de la cathédrale, finança l’ensemble des vitraux où demeure une épigraphe bien utile aux chercheurs. Les chapelles du château de Courtanvaux à Bessé-sur-Braye et du prieuré de Vignolles à Neuvillalais…, les églises de Chevillé, Degré, Écommoy, Parcé-sur-Sarthe, Saint-Gervais-de-Vic, Saint-Mars-d’Outillé, Yvré-l’Evêque…, les chapelles funéraires des cimetières de Crannes-en-Champagne, Fresnay-sur-Sarthe, Viré-en-Champagne, Le Mans… pour ne citer que ces lieux, possèdent des vitraux provenant de la Fabrique de Saint-Joseph. À Souligné-sous-Ballon, les verrières issues de différents ateliers manceaux, sont mises à l’honneur par une présentation didactique originale composée de panneaux explicatifs et de commentaires audios. Parmi les sept vitraux de la Fabrique de Saint-Joseph, la scène de La Nativité séduit le regard par sa richesse picturale et invite à lire cette œuvre comme on lit un tableau. La mise en plomb, savamment agencée, s’applique à rester au service du sujet.
En Bretagne, l’église de Saint-Quay-Portrieux dans les Côtes-d’Armor accueille quatorze stations du Chemin de Croix s’inspirant des cartons d’Overbeck. À Morlaix, dans le Finistère, le chevet de l’église Notre-Dame-du-Mur offre aux visiteurs une verrière de composition « ample et bien équilibrée », datée de 1883, représentant Les quatre grands docteurs de l’église latine qui, selon les spécialistes Catherine Brisac et Didier Alliou, fut sans contexte leur chef d’œuvre. À Pont-Croix, dans le même département, la Collégiale Notre-Dame-de-Roscudon présente une œuvre de 1885, aux dimensions impressionnantes sur le thème du Couronnement de la Vierge, avec ses cinq lancettes où figurent 79 personnages. Offerte par Jeanne Catherine Vasseyre, les portraits réalistes des trois enfants de la donatrice y sont incrustés grâce à l’application d’un procédé photographique innovant.
En 1883, Maurice épousa Gabrielle Chaillon à Nantes. La famille s’agrandit avec les naissances de Frédéric, Marie, Joseph, Gabriel et Louis. La parenthèse enchantée sembla peu à peu se refermer avec le décès de son père Frédéric, en 1886. Après neuf années d’existence, la Fabrique de Saint-Joseph ferma ses portes pour des raisons que l’état actuel de nos connaissances ne permet pas de clarifier avec certitude. Le couple vendit la maison de l’avenue de Paris et quitta Le Mans pour s’installer définitivement dans la région parisienne. Maurice poursuivit son activité de peintre-verrier dans l’atelier de Jean-Baptiste Anglade puis chez Joseph Vantillard. Sur son acte de décès en 1928, à son domicile parisien, il est qualifié de « dessinateur ».
L’histoire de La Fabrique de Saint-Joseph est l’aboutissement, la consécration d’un long et douloureux processus d’intégration dans la société mancelle, parcouru de difficultés financières suite à un procès couteux, de deuils, de renoncements et de loyautés déçues. Devenir propriétaires d’une manufacture de vitraux et pouvoir signer leurs propres œuvres a permis, à ces artistes peintres verriers, de sortir de l’anonymat et de leur assurer une postérité légitime. La famille Küchelbecker résida un demi-siècle au Mans. Au total, treize enfants naquirent sur le sol manceau mais leur destin respectif se poursuivit près de la capitale.
De leur passage sur notre territoire, il nous reste toutes ces lumineuses verrières signées du sceau du CARMEL du Mans et, à partir de 1881, celles qui portent la discrète signature de la Fabrique de Saint-Joseph « Küchelbecker & Jacquier ». Les quatorze départements répertoriés, à ce jour, possédant ces vitraux nous invitent au voyage pour aller les découvrir in situ…
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Le 29 mars
Philippe Bouton, Ancien président de Sciences et Arts,
un historien dans la lignée familiale
par Didier Béoutis
Didier Béoutis évoqua, dans son exposé illustré de diapositives, son oncle Philippe Bouton (1934-2009), historien dans la tradition familiale, ancien président de Sciences & Arts. Fils d’André Bouton, Philippe a baigné, depuis son enfance, dans l’érudition locale. Après des études juridiques et un service militaire en Algérie, il reprend le cabinet d’affaires immobilières fondé par son père au Mans, tout en s’investissant dans l’histoire locale et l’animation de sociétés savantes, présidant ainsi la "Société littéraire du Maine" (1980-87) puis "Sciences & Arts" (1992-2004). Il a notamment publié deux ouvrages : « Le Mans en cartes postales anciennes » (1975), et « Le Vieux Mans, richesses d’une ancienne cité » (1976), et, dans les revues savantes, de très nombreux articles sur l’histoire de la ville et des nécrologies de personnalités locales. Philippe Bouton a aussi publié de forts pittoresques « Souvenirs calaisiens », de vacances passées chez son oncle, curé-doyen de Saint-Calais. Des documents originaux propres à intéresser l’historien de demain !
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Le 10 février
Paul Cordonnier-Détrie, dit PCD et le principe de Noé (1896-1980),
ou l'artiste et le général
par Serge Bertin
Marie Georges Paul Cordonnier né en 1896, à Saumur, était l'aîné d'une famille bourgeoise de quatre garçons, bien implantée dans la haute société parisienne. Son enfance, qu'il passa dans le domaine de la Bellevaudière, à Saint-Pavace, auprès de sa grand-mère maternelle, la veuve du général Paul Alexandre Détrie, marqua sans doute profondément l'homme en devenir puisque, adulte, après avoir biffé ses deux premiers prénoms, pour ne retenir que celui de Paul, celui du grand-père, il éprouvera le besoin d'ajouter à son nom, Cordonnier, celui de Détrie.
Revenu dans la Sarthe, au lendemain de la Première Guerre mondiale, il épousa en 1922, Jeanne Van Donghem, qui le seconda admirablement durant toute sa carrière ; ils vécurent longtemps dans la demeure familiale de Jeanne, Buffard, à Guécélard, avant de s'installer rue Delagénière, au Mans, où tous deux terminèrent leur existence.
Paul Cordonnier-Détrie se fit d'abord remarquer par ses qualités de dessinateur. Introduit dans le monde des Arts par Robert Triger en 1938, il succéda à Arsène Le Feuvre, au poste de Conservateur des Musées du Mans ; deux ans plus tôt, il avait remplacé Julien Lhermitte à la tête de la Bibliothèque municipale, où il restera jusqu'en 1961.
Mais c'est par l'ampleur de ses recherches dans le passé de la Sarthe et de ses habitants, des plus célèbres aux plus humbles, que l'œuvre de Paul Cordonnier-Détrie se révèle particulièrement impressionnante. Travailleur acharné, héritier des plus grands érudits, tout particulièrement Émile Louis Chambois et Julien Chappée, il amassa, un peu à la manière d'un Noé dans son arche, une multitude d'informations, dans les domaines les plus divers. Si sa production littéraire paraît bien modeste, eu égard à l'ampleur de ses connaissances, il lègue - sans l'avoir voulu, car il défendait jalousement son trésor - aux chercheuses et chercheurs de demain, un gigantesque gisement du savoir, dont une grande partie est conservée aux Archives départementales de la Sarthe, sous la cote 18 J.
Figure incontournable de l'érudition mancelle du vingtième siècle, Paul Cordonnier-Détrie restera dans les souvenirs de celles et ceux qui l'ont connu, une personnalité complexe et attachante où la sensibilité artistique du frêle Marie Cordonnier, se mêlait à la mâle énergie du Paul Détrie, héritage d'un général vénéré.
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Le 13 janvier
La Société d’horticulture de la Sarthe et le Jardin des Plantes au Mans
par Michel Haguet
Le 11 août 1851, plusieurs personnalités du Mans et de la Sarthe, des botanistes et des horticulteurs fondèrent la Société d’horticulture de la Sarthe. Son but était « d’encourager la culture des plantes indigènes ou exotiques les plus remarquables pour leur utilité ou leur agrément et de répandre les bonnes méthodes de culture ».
Le premier président fut Augustin Gaude. Le Préfet, le Maire, l’Évêque, le Général commandant de Subdivision étaient de droit membres honoraires. Par la suite, fut créé un Comité de Dames patronnesses présidé par la femme du Préfet.
Des essais et expériences de biologie végétale eurent d’abord lieu dans les jardins de l’asile d’aliénés, avec une main-d’œuvre à bon compte, puis dans ceux des Petites Sœurs des Pauvres. Le 4 juin 1854, Paul Surmont, juge au tribunal civil, ancien maire du Mans, succéda à Augustin Gaude ; il fut le véritable créateur du jardin. Sous sa présidence, la Société fit l’acquisition d’un champ de 116 ares, bordant la côte de Prémartine et disposa ainsi de son propre terrain. L’enclos s’agrandit en 1861 d’un terrain situé à l’angle des rues de Flore et Prémartine, ce qui porta la superficie disponible à 1 hectare 33, actuellement occupée par le jardin français et la terrasse. L’accès du jardin était réservé aux membres de la Société.
Celle-ci fut reconnue d’utilité publique le 9 août 1864. Cette même année, le bordage de Sinault d’une superficie de 5 ha, situé entre le chemin éponyme et la rue de l’Éventail, fut mis en vente. Son acquisition permit la création, à partir de 1867, du jardin anglais.
Le personnel d’exécution comprenait à titre permanent une douzaine de personnes : chef-jardinier, jardiniers payés à la journée, gardien, employée de bureau. Les travaux et les frais de fonctionnement suscitant de lourdes charges, la Société se tourna vers la Ville du Mans qui s’engagea à la subventionner à long terme ; en contrepartie, la Ville devint nue-propriétaire du foncier laissant l’usufruit des jardins et leur exploitation à la Société d’Horticulture.
En 1881, la Société comprenait 484 sociétaires-hommes et 143 dames-patronnesses, lesquelles n’avaient pas le droit de voter lors des assemblées générales. Les membres accédaient gratuitement au jardin mais les visiteurs devaient payer un droit d’entrée.
Invoquant des subventions accordées par la municipalité, en janvier 1884, le maire Louis Cordelet rendit l’admission gratuite du public les jeudis, dimanches et jours fériés. Malgré diverses difficultés financières, la Société ne cessa de se consacrer à des expériences et à l’étude pratique de l’emploi des engrais et des insecticides commercialisés. Le 19 février 1945, au mépris des conventions antérieures, le Conseil municipal décida d’assurer directement la gestion des jardins et suspendit la subvention annuelle qui permettait d’équilibrer les comptes de la Société. Après plusieurs mois de vives polémiques, la ville se désista et la Société put reprendre ses droits et ses activités.
Le jardin fut inscrit à l’inventaire des sites classés à caractère historique le 12 juillet 1945.
Le jardin fruitier, d’une superficie de 8.000 m2 fut vendu, en octobre 1959, par la Ville à un promoteur qui y fit ériger la Résidence du Parc. Cette aliénation entraîna la disparition d’un patrimoine important d’arbres fruitiers, de cultures potagères et plantes médicinales cultivées à titre expérimental.
Afin d’assurer le renouvellement des infrastructures et de préserver les particularités du jardin, une charte d’identité lie la Société d’Horticulture de la Sarthe et la Ville du Mans. La Société d’Horticulture compte actuellement une centaine de cotisants.
En complément de cet aperçu historique, des descriptifs furent présentés : le premier (jardin français) créé à partir de 1861 et le second, (jardin anglais dessiné, en 1865 par Jean-Charles Alphand, ingénieur en chef et administrateur des Promenades et Plantations de la Ville de Paris sous le ministère du baron Haussmann).
Les classes-patrimoine, les visites touristiques et culturelles sont les temps forts assumés actuellement par les administrateurs de la Société d’Horticulture de la Sarthe et les guides du Service Patrimoine de la Ville.
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2023
Regards sur un architecte manceau du XXe siècle : Maurice Levesque
Maxime Bruant
le 9 décembre 2023
Maurice Levesque (1877-1976) est un architecte manceau permettant de comprendre, à travers son travail, la société dans laquelle il vit : celle de la fin du XIXe siècle et particulièrement du début du XXe siècle, marquée par une forte urbanisation répondant à une importante croissance démographique. En 1897, sa formation débute au côté d’un architecte déjà en poste, Louis Albin Raoulx. Les diverses mobilisations militaires de Maurice Levesque entravent considérablement sa formation. Néanmoins, dès 1908 jusqu’en 1930-1942, il travaille principalement au sein de la ville où de nombreux architectes s’activent.
Le XXe siècle peut être entrevu par le biais des réalisations de Maurice Levesque, grâce à l’instauration, en 1902, dans les communes de plus de 20 000 habitants, du permis de construire. Ces dossiers conservant les demandes et plans deviennent une source permettant de distinguer les modes de vie de la population. De plus, l’ouverture, en 1908, d’un bureau d’hygiène municipal et d’un laboratoire d’analyses de bactériologie et de chimie, facilite la codification des premières règles d’hygiène qui influencent celles du bâti.
Dans ce contexte d’urbanisation croissante de la ville, Maurice Levesque répondra à de nombreuses commandes. 217 constructions, dont 87,6 % de maisons individuelles ont été recensées. Le reste des productions sont de types variés : locaux commerciaux, garages, entreprises industrielles (Neyret, Pernod…). L’architecte a établi les plans de 186 maisons individuelles dont seulement 109 demeurent dans le paysage urbain du Mans où la grande majorité a été réalisée dans l’ouest de la ville, l’est étant plutôt choisi par des clients plus aisés. Ce type d’habitat permet de comprendre le travail architectural ainsi que les évolutions stylistiques grâce à l’emploi de la pierre, de la brique, les sculptures en façade d’inspiration « villégiature » ou encore des mancelles. Mais les plans établis par Maurice Levesque ont disparu. La typologie la plus reconnue de l’architecte est les Habitations Bon Marché, représentées par la photographie de la maison, au 12 rue des Mûriers ; elle apporte aussi un vocabulaire architectural commun entre les 24 constructions de ce type, entre 1922 et 1930. Dans un contexte de crise économique, ces habitations doivent répondre à un besoin de logement à un faible coût. Il n’est pas rare de retrouver aujourd’hui dans l’ouest du Mans, ce type de façades reconnaissables par le soulignement des ouvertures avec de la brique et de la pierre.
Ces œuvres architecturales sont les témoins d’un passé qui, pour l’essentiel, n’a pas été protégé.
Aussi sont-elles susceptibles de disparaître.
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La villa du Rond ou la faïencerie retrouvée
Claude Brossier
le 14 octobre 2023
L’histoire locale est riche de poteries et de faïenceries. Mais la mémoire collective en avait effacé une. Et pourtant c’était la plus importante à son époque ! Quel est ce patrimoine oublié de la terre sarthoise ?
Une forêt de 1200 hectares parcourue par six magnifiques avenues empierrées et bordées de grands arbres, avenues qui se croisaient vers le centre en un très vaste rond-point. Ce lieu appelé le Rond, accueillait au XIXe siècle, au cœur de la forêt de Bonnétable, une immense entreprise. Fondée en 1832 par la Duchesse de Montmorency, propriétaire des terres de Bonnétable, cette manufacture était à l’époque, la plus grande usine sarthoise pour la production de poteries utilitaires. Par héritage, trois générations de la famille de La Rochefoucauld furent les propriétaires successifs jusqu’à la fermeture en 1912 pour raisons économiques.
Durant ses 80 ans d’activité, cette manufacture était connue sous diverses appellations : Poterie du Rond, Faïencerie de La Villa, La Villa du Rond, l’Usine de la Villa. Le premier directeur, M. Rheinler, venait d’Ivry-sur-Seine. À la Villa, la main-d’œuvre était locale. Elle comprenait des anciens potiers de Prévelles, mais aussi des employés plus spécialisés venus de toute la France. Un outillage perfectionné : une machine à vapeur de huit CV (l'une des six présentes en Sarthe), qui entraînait un cylindre à broyer la terre, et un moulin à broyer les couleurs (émaux) amenèrent des progrès sensibles et appréciés. L’usine était équipée d'immenses fours à bois (4 en 1878) de 6 mètres de hauteur pour une section de 3 mètres.
La production des poteries utilitaires atteignait 400 000 articles en 1841, nécessitant 400 m3 d’argile. La zone de vente s’étendait alors sur le Maine et la Basse Normandie.
La Villa du Rond se distingua dans la seconde moitié de son existence par une production de faïences artistiques de qualité, dans l’esprit du XVIIIe siècle et les styles de Delft, Marseille, Rouen ou Nevers. Henri Grison, un directeur arrivé en 1900, voulut même spécialiser l’usine dans la faïencerie artistique. Le Rond visait alors une riche clientèle à travers les grands magasins parisiens qui vendaient ses faïences de luxe à des clients fortunés français, anglais voire américains. Ces productions artistiques étaient commercialisées aussi aux USA. Un exceptionnel cor de chasse de style Delft bleu monochrome à décor de fleurs et de blason est exposé au Metropolitan Museum (Met) à New York. C'est un don de Mary Elizabeth Adams Brown (1842-1918), écrivaine américaine. Une pendule en forme de château féodal à deux tours est au Musée des Arts de Chicago. Un pichet anthropomorphe représentant Napoléon 1er est au Musée national des châteaux Malmaison et Bois Préau. L’Empereur arbore toujours son célèbre bicorne et tient son bras gauche dans le gilet.
Une page du patrimoine sarthois a été retrouvée.
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L’ALIMENTATION EN EAU DE LA VILLE DU MANS
DE L’ÉPOQUE ROMAINE À NOS JOURS
Michel Haguet
Le 15 avril 2023
De l’époque romaine à nos jours, l’alimentation en eau a profondément marqué et transformé le quotidien des Manceaux. Actuellement, dans l’agglomération mancelle, les habitants ne manquent pas d’une bonne eau, produite chaque jour par l’Unité de Production d’Eau Potable de l’Épau (UPEPE). Il n’en fut pas toujours ainsi pour les Cénomans, autant pour l’abondance que pour la qualité.
L’histoire témoigne de la difficulté rencontrée par les responsables municipaux successifs à acheminer le précieux liquide depuis les sources vers les usagers, d’autant que les problèmes d’hygiène furent de plus en plus pressants au fur et à mesure de la croissance démographique et de l’extension de la cité.
En 280, les Romains dirigèrent les eaux des sources et des ruisseaux vers Vindinum au moyen d’aqueducs. Plusieurs d’entre eux sont bien identifiés et proviennent de zones de captage situées sur Sargé, Saint-Pavace, Coulaines et de la vallée d’Isaac. La nappe phréatique de ce quartier Nord-Est alimenta, de ses eaux pures et fraîches, la ville jusqu’en 1854.
Avec le développement démographique et industriel, les sources devenues insuffisantes pour satisfaire les besoins, l’eau fut puisée dans la rivière l’Huisne, tout d’abord au Gué de Maulny, et distribuée sans être filtrée jusqu’en 1906.
Une nouvelle usine fut installée en 1906 à l’Épau. De nos jours, l’eau est toujours puisée dans l’Huisne et distribuée, après filtrage, sur le territoire des 17 communes de Le Mans-Métropole et sur 33 autres communes sarthoises.
À toutes les époques, les édiles se sont préoccupés des moyens de fournir de l’eau aux Manceaux, que ce soit par le captage des sources, le creusement de puits, la construction d’ouvrages d’art. Ils en ont assuré la distribution par divers types d’équipements : aqueducs, tuyaux de plomb, terre vernissée, fonte, PVC. Ce service public mobilisera encore longtemps l’énergie des hommes, ainsi que les crédits afférents, afin de satisfaire tous les besoins domestiques, agricoles et industriels de la population.
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JULES VERNE
Jacques Favrot et Bernard Terrier
le 17 mars 2023
Exploration et aventure, science et géographie, connaissance et curiosité au service du plaisir d’apprendre,
ainsi apparaît Jules Verne, écrivain populaire, devenu un mythe à lui seul, aux côtés des écrivains classiques du XIXème siècle.
Son aventure littéraire commence en Ballon, pendant cinq semaines, en 1863, sous le second Empire, et s’achève par L’Invasion de la mer en 1905, sous la IIIème République. Pendant plus de quarante ans, ses 62 romans et ses 18 nouvelles ont emporté le lecteur De la Terre à la Lune à Vingt mille lieues sous les mers, dans Les Indes noires et Le château des Carpathes, sur les traces de Michel Strogoff, du Capitaine Nemo, de Robur le Conquérant, tous des héros prométhéens. Les voyageurs de Jules Verne ont arpenté la terre, traversé les airs, sondé la profondeur des océans, et même exploré le temps. Son Voyage au Centre de la Terre plonge le narrateur dans le passé qui a précédé la naissance de l’homme.
En effet, les romans de Jules Verne mettent en scène le monde entier.
Jules Verne a toujours été passionné par la géographie, les cartes, les voyages et les explorations : « C’est ma passion des cartes et des grands explorateurs du monde entier qui m’a amené à rédiger le premier de ma longue série de romans géographiques ». C’est ainsi que le Capitaine Hatteras plantera le drapeau anglais sur le pôle Nord, que Les Enfants du capitaine Grant feront un tour du monde en suivant la ligne droite du 37ème parallèle, et en traversant toujours en ligne droite, l’Afrique, l’Australie, et la Nouvelle Zélande, avant de rejoindre l’île Tabor. Sa passion de la géographie le conduira même à rédiger et publier une Géographie de la France illustrée et de ses colonies (1867), et une Histoire des grands voyages et des grands voyageurs (1878).
Jules Verne croyait aussi en la science du futur. Les machines qui peuplent ses romans ressemblent à un acte de foi : « Tout ce qu’un homme est capable d’imaginer, d’autres hommes seront capables de le réaliser. » Son imagination est sans limite. Paris au XXème siècle décrit la ville moderne du futur. Le Nautilus de Nemo a les caractéristiques d’un sous-marin nucléaire. Les engins volants de Robur le Conquérant sont constitués de « papier en paille, devenus métal sous la pression. » L’obus De la Terre à la Lune « sera en aluminium ». L’écrivain place les matériaux au cœur des réalisations technologiques, ainsi de l’électricité et des batteries au sodium auxquelles il porte un grand intérêt.
La pensée vernienne n’est pas absente des Voyages extraordinaires ;
elle est même imprégnée des idées du XIXème siècle.
La famille est pour Jules Verne le lieu privilégié de l’éducation des enfants, et les mères y jouent un rôle prépondérant. Les autres lieux, école, lycée, université et grandes écoles, sont des lieux de savoir nécessaires. Mais la véritable éducation, chez Jules Verne, est ailleurs : c’est l’école de l’Aventure, l’école de la vie, par le voyage initiatique. L’enseignement consiste d’abord à faire des enfants « des hommes ». Le savoir et l’expérience leur sont transmis par « un maître de vie », (père spirituel). Jules Verne se veut créateur d’une « école parallèle » à l’école de la République. Les biographes de Jules Verne le définissent comme « un bon bourgeois », conformiste mais rebelle et libertaire, quarante-huitard, et sensible aux idées saint-simoniennes.
Sa sympathie quarante-huitarde est clairement avouée à l’égard des peuples opprimés. Six romans des Voyages extraordinaires s’inscrivent dans le contexte social de revendication d’une nationalité par un groupe ethnique. Il en est de même de son anti-esclavagisme qui fait de lui un héritier de la révolution de 1848. Nord contre Sud a pour thème la guerre de sécession aux Etats-Unis et l’affranchissement de tous les esclaves d’une plantation ; Un Capitaine de quinze ans retrace l’histoire de la traite négrière, du trafic des esclaves, et du cannibalisme. Le thème saint-simonien du progrès et des grands travaux est aussi très présent dans les Voyages extraordinaires. L’homme doit dominer la nature et réaliser la mise en valeur des ressources de la planète par son savoir-faire. Nombreux sont les romans verniens où surgissent des « cités idéales », « utopiques » fondées sur le savoir, la science, le travail et engagées dans la voie du progrès. Jules Verne justifie ce progrès scientifique au moyen des grands travaux : Le transsaharien dans Robur le Conquérant, « long ruban de fer qui doit relier Alger à Tombouctou » ; Le transasiatique, emprunté par Claudius Bombarnac sur plus de 6000 km, « un de ces rubans de fer qui finira par cercler notre globe comme un muid de cidre ou une balle de coton. » Et on peut citer aussi L’Invasion de la mer, son dernier roman, dont le sujet est la construction d’un canal rattachant le golfe de Gabès aux chotts (lacs salés) du Sud-tunisien au Sud-Constantinois, et accessible aux navires de haute mer. Projet initié réellement par un certain François Roudaire, défendu par Lesseps, projet qui ne sera pas concrétisé.
L’académie française refusera à Jules Verne l’immortalité,
mais ses œuvres permettent à chacun de conserver,
selon l’épitaphe de sa tombe, « l’éternelle jeunesse. »
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Jules Hervé-Mathé, artiste-peintre et professeur de dessin (1868-1953)
Didier Béoutis
le 13 janvier 2023
Né à Saint-Calais-du-Désert (Mayenne), mais installé très jeune à Langres, passionné de dessin et de peinture, élève notamment d’Albert Maignan, Jules Hervé commence sa carrière, en 1891, comme professeur de dessin au collège d’Épinal, où il ouvrira une école municipale de décoration, dont les résultats lui vaudront en 1900, une médaille d’argent à l’Exposition universelle.
Nommé professeur de dessin au lycée du Mans, en 1899, il y restera, jusqu’à sa retraite, en 1933, y assurant un enseignement de haute qualité. Durant la même longue période, il sera, parallèlement, chargé des fonctions de directeur de l’École municipale de dessin. Il développera, de façon très importante, cette école qui deviendra « l’École des arts appliqués Albert Maignan », formant des élèves comme Maurice Loutreuil, Théodore Boulard, et les futurs « Grands prix de Rome » André Bizette-Lindet, Gaston Pauloin et Simone Latron.
Dès 1906, il s’installera, avec son épouse, dans l’hôtel de Vaux qu’il restaurera, devenant ainsi un pionnier de la rénovation de notre vieille ville. En 1908, afin d’éviter toute confusion avec un neveu artiste-peintre, il ajoutera, à son patronyme, celui de son épouse, adoptant, ainsi, le nom d’artiste d’ « Hervé-Mathé ». Veuf, il se remariera en 1920, le couple donnant naissance, à une fille, Juliane (1921-2006), qui sera, à son tour, professeur de dessin et artiste-peintre.
Hervé-Mathé, que l’on peut classer comme paysagiste postimpressionniste est l’auteur d’un nombre très important de toiles, sur des sujets divers (scènes dans le Vieux-Mans, la campagne sarthoise, bretonne, normande, les ports bretons et méditerranéens, la Seine à Paris…).
Il travaille la lumière : les ciels et leurs reflets dans l’eau, saisissant, souvent sur le vif, aurores et couchers de soleil. Les personnages y figurent, mais souvent de façon secondaire. S’il n’a pas « innové » en peinture, ses toiles sont d’une très grande finesse. En septembre 1917, une « mission artistique aux armées » lui aura permis de produire des scènes de soldats, principalement coloniaux.
Hervé-Mathé est, décédé en 1953, âgé de 85 ans. En 1989, son œuvre a fait l’objet, au Mans, d’une exposition rétrospective. Elle a été dispersée, à la suite de plusieurs ventes à l’hôtel des ventes de Bayeux. On peut trouver ses toiles, notamment au Musée des Invalides (les scènes de soldats), aux musées du Mans, de Sablé, Brest, Laval, Langres, Annecy, Le Bourget, Grenoble… Trois reproductions de ses tableaux figurent, à l’initiative des peintres en bâtiment du Mans, sur le pignon d’un immeuble, place de l’Éperon. Il s’agit du seul hommage « public » d’Hervé-Mathé au Mans, dont le nom mériterait, pourtant, d’être donné à une voie, une école ou tout autre établissement municipal.
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2022
Le Mans, nos années 1960, à l’aube d’une ville nouvelle
Serge Bertin
le 16 décembre 2022
Au travers de l'ouvrage Le Mans, nos années soixante, présenté par son auteur, Serge Bertin, notre ville offrait, aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, tous les caractères d'une ville en pleine expansion.
Expansion démographique, qui vit sa population croître de plus de 40 000 habitants en deux décennies, passant de 100 455 en 1946 à 143 246 en 1968, pour dépasser les 150 000 au recensement de 1975.
Expansion économique qui se traduisit par la montée en puissance de l'usine Renault, forte de ses 10 000 ouvriers à la veille de 1970, qu'accompagnent de nouvelles activités industrielles nées de la vague de décentralisation des années 1960.
Expansion urbaine, enfin, qui se réalisa par la naissance de vastes zones d'habitats collectifs, des Sablons et de Bellevue-Coulaines, et la réorganisation, à la hussarde, du cœur urbain, par la mise en place de la fameuse Percée Centrale… tant vantée en son temps, si décriée aujourd'hui.
Cette remontée, dans notre passé et dans les mémoires, permit, en outre, au conférencier, de révéler certains aspects de la vie de la cité, maintenant gommés, voire oubliés. Pour preuve, on redécouvrit l'existence des Vaillant, illustre famille de photographes manceaux, grâce aux remarquables clichés de l'un de ses descendants, Jean-Claude, auteur des photos du livre. Dans le domaine politique, on put aussi constater que les images laissées par les deux maires de la décennie, Jean-Yves Chapalain et Jacques Maury, ne traduisent pas l'exacte réalité car de nombreuses réalisations, attribuées au second, n'étaient, le plus souvent, que l'aboutissement de décisions initiées et prises par le premier.
Enfin, et ce n'est pas là la plus mince des révélations, cette intervention a permis de mettre en évidence la richesse des collections conservées aux Archives municipales du Mans, et la grande compétence de leur personnel. Les chercheuses et chercheurs peuvent y trouver de multiples informations inédites, notamment sur les dernières décennies. Il est à espérer que leur consultation permettra, un jour, de documenter, en prolongement de l'Histoire du Mans et du pays manceau, publiée en 1975 sous la direction de François Dornic, une étude sur l'histoire du passé le plus récent de notre ville.
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Maman Quiou, gouvernante du roi de Rome, une Sarthoise dans l’Histoire
Benoit Hubert
le 12 novembre 2022
Dans une conférence aussi passionnante que documentée, Benoit Hubert a retracé la destinée hors norme de Maman Quiou, cette Sarthoise d’adoption qui vécut dans l’intimité du couple impérial et servit de seconde mère à l’Aiglon.
Née à Paris en 1765, Louise-Charlotte-Françoise Le Tellier de Louvois-Courtanvaux était la petite-fille du ministre de la guerre de Louis XIV. Tout juste âgée de 15 ans, elle avait épousé, en 1780, le comte Anne-Elisabeth-Pierre de Montesquiou-Fezensac, lequel deviendra, en 1809, grand chambellan de l’Empire, en remplacement de Talleyrand. En dot, elle avait apporté le château et le domaine de Courtanvaux à Bessé-sur-Braye.
Nommée gouvernante des enfants de France en 1809, elle est présente aux côtés de l’impératrice Marie-Louise lors de la difficile naissance de Napoléon-François-Charles-Joseph, le 20 mars 1811. Mère de cinq enfants, elle bénéficie de l’entière confiance de l’Empereur, ainsi qu’en attestera le Mémorial de Sainte-Hélène : « C’est une femme d’un rare mérite : sa piété est sincère, ses principes excellens ; elle s’est acquis de grands titres à mon estime et à mon affection. Il m’en eût fallu deux comme elle, une demi-douzaine ; je les eusse toutes placées dignement, et j’en eusse demandé encore : elle a été parfaite à Vienne auprès de mon fils ».
Elle accompagne le fils de l’Empereur durant les quatre premières années de sa vie (1811-1815), dirigeant son éducation aux Tuileries. À la chute de l’Empire, elle le conduit à Vienne chez son grand-père paternel, suivant ainsi l’Impératrice Marie-Louise d’Autriche. Craignant qu’elle ne cultive chez son petit-fils le désir de régner, l’Empereur d’Autriche François Ier, congédie rapidement celle que le Roi de Rome nommait affectueusement Maman Quiou.
Dès lors, les époux de Montesquiou-Fezenzac quittent la scène de l’Histoire et se retirent à Courtanvaux qu’ils font restaurer dans le style néo-gothique. Devenu maire de Bessé-sur-Braye, Pierre de Montesquiou-Fezensac décède en son château le 4 août 1834. Quant à sa veuve, elle finira ses jours à Paris - et non à Courtanvaux comme il est souvent précisé -, à l’Hôtel de Montesquiou (actuel n°20 rue Monsieur dans le 14e arrondissement) le 29 mai 1835, soit trois ans après l’Aiglon.
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La Barrière d’Enfer, mémoire du canotage manceau
Jean-Pierre Epinal
le 1er avril 2022
Bien qu’essentiellement connu du grand public par l’intermédiaire de la peinture des impressionnistes et des nouvelles de Maupassant, le canotage fait son apparition dès les années 1830. Promu par des gens de lettres tels Théophile Gautier, Alphonse Karr ou Léon Gatayes, il permet au promeneur de conduire sa propre embarcation, ce qui marque une rupture d’avec la promenade traditionnelle sous la direction d’un batelier. Symbole de liberté, il répond à un besoin de fuir la ville devenue étouffante et trop policée à l’heure où des citadins, imprégnés par la lecture de Robinson Crusoé, commencent à s’approprier le milieu aquatique et éprouvent le besoin de faire du sport. Autour du canotage se développent les bains de rivière, les restaurants et les salles de bal, sans oublier les chantiers de construction navale.
Quand et dans quelles conditions ce phénomène d’abord parisien a-t-il pu s’implanter au Mans ? Industrieuse, bordée de tanneries et barrée par les moulins, la Sarthe ne pouvait se prêter à la navigation de plaisance dans sa traversée de la ville. A contrario, en amont, la Barrière d’Enfer avait vocation à servir d’embarcadère, de lieu de baignade et à accueillir des restaurants.
Tout commence, semble-t-il par la location des bateaux. Lorsque le 7 juillet 1844 le corps de musique de l’École supérieure donne un concert sur le bassin de la Sarthe, on constate que « tous les bateaux de cette partie de la rivière avaient été retenus, et sur le soir, les bateliers regrettaient de n’avoir plus de nacelles pour tous ceux qui se présentaient encore ». Toute la flottille s’était rendue jusqu’au Moulin-l’Évêque.
En septembre 1845, alors que deux jeunes venaient de se noyer en tentant de parcourir ce même itinéraire, la presse incite la police à visiter « très rigoureusement les bateaux sur lesquels les habitants de notre ville remontent quelquefois la Sarthe ». But de promenade jusque-là occasionnel, le Moulin-l’Évêque deviendra une destination incontournable lorsque Joséphine Savarre dite Fifine y aura établi, vers 1848-1849 une buvette qui se transformera très vite en restaurant champêtre.
Julien Pesche ne faisant pas état de bains de rivière en 1832, on peut penser que le premier établissement de ce genre est celui installé en amont immédiat du moulin d’Enfer par un certain Buon-Lhermite vers 1850. Passé aux mains de Casimir François Boulay puis du fils de ce dernier, Casimir Émile, il perdurera jusqu’en plein XXe siècle sous le nom de Bains Boulay.
En 1864, René Joseph Ory, ancien combattant des campagnes d’Italie et de Crimée, a ouvert un restaurant rue d’Enfer, sur les quais. Sa clientèle est surtout composée de personnes « qui font des parties de plaisir sur l’eau ou qui vont aux bains ». En 1878, il obtient l’autorisation d’y adjoindre une salle de bal. Ce sera le Bal des Canotiers. En 1891, suite au décès de René Joseph Ory, les deux établissements seront gérés par le gendre de leur fondateur, Édouard Ferdinand Lesage.
À ce « complexe de loisirs » en bord de rivière, il convient d’associer le Restaurant de la Barrière d’Enfer, situé quelques dizaine de mètres en amont, chemin de Saint-Pavace, et dont l’histoire est, elle aussi, étroitement liée à celle du canotage.
Sur un terrain vierge d’environ 2 400m2 en bord de Sarthe acquis en 1834, René Girard et son épouse, blanchisseurs, font construire maisons d’habitation, hangar et lavoir. En parallèle, le chef de famille se fait constructeur de bateaux, dans le but de les louer plus que de les vendre. En 1853, il se trouve ainsi propriétaire d’une quinzaine d’embarcations. En juin 1881, à son décès, l’une des maisons est louée à Hilaire Carreau, batelier, qui vient d’y ouvrir un petit restaurant.
Enfin, en 1931, sous la houlette de Jeanne Richard, vient s’installer l’Ondine Club, société de natation réservée aux femmes et à leur proche famille. Témoins d’une époque révolue, ces lieux de loisirs et de convivialité ne disparaîtront définitivement du paysage que dans les années 1960, voire 1970.
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Science dedans, émeute dehors. Histoire populaire et savante du Mans au XIXe siècle
Karl ZIMMER (TEMOS, UMR 9016 CNRS, Le Mans Université)
le 4 mars 2022
En septembre 1839 s’ouvre, au Mans, le septième Congrès Scientifique de France. Fondée par le normand Arcisse de Caumont, cette institution s’inscrit dans un large contexte européen et s’inspire des exemples prussien, autrichien et britannique. Chaque année, une ville accueille des sociétés savantes de toute la France pour « imprimer » en province un esprit éclairé.
La cheville ouvrière de cette édition est Thomas Cauvin, alors à la tête de la Société Royale d’Agriculture, Sciences et Arts du Mans qui devient pour l’occasion Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe.
Plusieurs centaines d’érudits sarthois, français et étrangers arrivent au Mans le 12 septembre 1839 pour discuter de littérature, de mathématiques, de médecine mais aussi d’archéologie. La science des amateurs est alors en pleine construction.
De Caumont et Cauvin veulent fonder un Institut des Provinces permanent pour fédérer les esprits scientifiques en dehors de Paris. Son siège est fixé au Mans jusqu’en 1846 ! Le congrès doit se tenir une dizaine de jours, les séances générales sont très solennelles, alors que les réunions en commission semblent être l’occasion de cordiales joutes académiques. Mais, le samedi 14 septembre, une agitation gagne Le Mans.
Trois jours durant, des affrontements violents éclatent à propos de la circulation des grains. Des barricades sont érigées, une mécanique détruite, l’armée se déploie tout autour de la place des Halles (actuelle place de la République). La foule est partout, notamment autour du palais de justice, où se tient le congrès. L’émeute vient percuter avec fracas un « lieu de savoir ». L’actualité se télescope et Le Mans ne fait pas la Une pour une raison scientifique, alors que la nouvelle des troubles en Sarthe fait le tour du monde. L’interaction entre ces deux évènements pose une série de questions. Dans quelle mesure un conflit social peut-il inquiéter une production scientifique ? La fumée, l’entrave, le bruit retardent-ils les séances ? Les notables présents occupent aussi des responsabilités politiques locales, certains sont empêchés et doivent assurer la gestion du maintien de l’ordre. Le maire, le préfet, le procureur du roi, les officiers de gendarmerie et de la garde nationale s’installent eux-aussi dans le palais de justice pour organiser la sécurité publique. L’impact est réciproque, la tenue du congrès joue un rôle vis-à-vis de l’émotion populaire. La stratégie du maintien de l’ordre prend en compte la tenue de l’événement scientifique.
Un dispositif spécifique assure la sécurité du congrès qui se tient toujours au cœur de la révolte. Des rebelles s’introduisent en nombre dans le tribunal. Des soldats stationnent dans les corridors, juste derrière les portes où se déroulent les sessions scientifiques. Difficile de savoir dans quelle mesure la présence de personnalités étrangères à la communauté locale infléchit l’intensité de la répression des classes populaires, mais une chose est certaine : le congrès gêne l’émeute. Les autorités ont cherché à faire taire habilement, sans effusion de sang, le tumulte sous les fenêtres du congrès.
Enfin, on peut voir dans cet exemple un positionnement scientifique paradoxal qui est en train de se construire dans la conflictualité socio-politique. D’une part, un débat entre les congressistes a lieu pour savoir s’il faut ou non poursuivre les sessions. Un vote est même organisé et la science est brandie comme « face à l’émeute ». Ainsi, la posture savante exprimée est très claire, la science est dedans, alors que dehors la révolte gronde. Mais d’autre part, l’expérience de l’émeute sous les fenêtres, dans la rue, influence certains contenus, notamment ceux sur l’état agricole et industriel du département. Les notables ne voient pas autre chose qu’une classe ouvrière ignorante et dangereuse incapable de mesurer les bénéfices de la liberté de commercer. Le pouvoir utilise le même discours sur l’absurde archaïsme de la révolte. Pourtant, à y regarder de plus près, cette révolte est un subtil discours populaire sur la réalité vécue. Si on prend au sérieux les revendications et les actions de l’émeute, celle-ci donne des indices sur la fragilité des conditions économiques et sociales des Sarthois. L’émeute serait-elle quelque part une sorte de « science populaire » ? En somme, ce micro-événement, en plein « âge d’or des sociétés savantes » illustre la discordante modernité scientifique, où savoirs et pouvoirs s’imbriquent.
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ROGER VERDIER, L’AMOUREUX ÉCONDUIT
Serge Bertin
le 4 février 2022
Dès les premières lignes de son autobiographie, "L’enfant de la Belle-époque", Roger Verdier dévoilait le trait majeur de son tempérament, son indépendance d’esprit en dépit de tout, y compris des évidences : "Les gouverneurs de Connerré, un jour, ont certifié que je naquis le 11 janvier 1899 dans cette commune. J’ai conscience que c’est faux, que mon arrivée au monde se perd dans la nuit des temps".
Issu d’une famille profondément ancrée dans le Haut-Maine, il entretenait avec "sa Sarthe" une relation fusionnelle, l’aimant comme une mère, en compensation, peut-être, de celle qu’il avait perdue à l’âge de 16 ans.
Après des études chaotiques au Lycée du Mans, il pratiqua une multitude de petits métiers qui, tous, se soldèrent par des échecs. Ce n’est qu’en 1922, à l’âge de 23 ans, qu’il acquit enfin son équilibre d’homme, après qu’il eut découvert les trois voies qui allaient donner un sens à sa vie.
- Au plan professionnel, il créa sa propre entreprise d’artisan peintre, décorateur, rue Robert Triger.
- La même année, il épousa Raymonde Pottier qui, par son affection et sa confiance, lui apporta son soutien sans faille.
- À cette époque, enfin, il connut les joies éthérées de la recherche en devenant membre de notre Société d’Agriculture, Sciences et Arts de la Sarthe.
Mais ce n’est qu’aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale qu’il se livra aux exercices de l’esprit et de la spéculation intellectuelle. Ce fut alors un véritable déluge bienvenu d’ouvrages sur notre région, dans les registres les plus divers, depuis les amusantes Bobillonneries de Maître Binois, jusqu’aux savantes études sur La Cénomanie gallo-romaine dont le dernier volume parut en 1985, en passant par son Dictionnaire phonétique, étymologique et comparé du patois du Haut-Maine.
Travailleur acharné, il calligraphia, de sa propre plume, les milliers de pages qui constituent son impressionnante bibliographie. Avec la même vigueur, il avait exprimé sa mâle détermination dans les domaines les plus divers, construisant lui-même sa maison, creusant sous son atelier un espace dédié aux spectacles folkloriques, fondant un milk-bar, etc. Un tel activisme, doublé d’un tempérament souvent tempétueux, lui valut de solides aménités qui semblaient redoubler sa volonté d’en découdre.
Haï par beaucoup, surtout les plus puissants, admiré et respecté par quelques autres, Roger Verdier décéda le 21 décembre 1995. Sa mort passa inaperçue. Son atelier et sa maison ont été rasés. Son nom est oublié. Seule une voie, à Connerré, porte son nom. C’est une impasse.
Il amassa une quantité importante d’informations. Dans le même temps, il composa son fameux roman picaresque Prosper Béroux, roi des Loudonniaux qui ne sera édité qu’en 1975. Toujours dans le registre régionaliste, on retiendra le recueil de poèmes Les gearmes de nos guerouas, paru en 1967 ainsi qu’une œuvrette satirique, La maison de campagne, en 1979. Mais, son ouvrage le plus important, dans ce domaine, fut son Dictionnaire phonétique, étymologique et comparé du Haut-Maine, paru en 1951, qui reprenant le Vocabulaire du Haut-Maine, de Montesson, en élargissait considérablement le champ. En 1970, une Grammaire du dialecte du Haut-Maine compléta son œuvre de réhabilitation du patois local
Son adhésion, en 1964, à la Société Française d’Onomastique, l’entraîna vers les pistes vertigineuses d’une recherche où se mêlent l’histoire et l’archéologie. Avec ses lectures pour tout bagage, mais animé d’une volonté de fer, le fougueux autodidacte entreprit de partir à la découverte du passé de sa ville et de son département. Aidé de son discret ami, Henri Véron, et secondé par sa fidèle épouse, durant une bonne dizaine d’années, il parcourut toute la Sarthe, gravissant monts et murailles, arpentant et dessinant chemins et bouts de terrains pour, finalement, amasser une masse prodigieuse d’informations. Il les révéla dans ses publications, des œuvres impressionnantes de savoir, toutes soigneusement calligraphiées, comme l’ensemble de sa production. Ce fut, en 1971, La promotion antique du Haut-Maine, puis, en 1974, La Préhistoire du Haut-Maine, Quatre-cents mottes, fortifications et enceintes en terre du Haut-Maine en 1978. Le premier volume de La Cénomanie gallo-romaine, paru en 1979, fut suivi de trois autres, le dernier en 1985.
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Le docteur Paul Delaunay, président de Sciences & Arts (1927-1957),
le dernier des grands « généralistes »
Didier Béoutis
le 14 janvier 2022
Dans une conférence illustrée de diapositives, Didier Béoutis a évoqué la vie et les états de service du docteur Paul Delaunay (1878-1958), qui présida notre Compagnie de 1927 à 1957. Né à Mayenne, fils du greffier du Tribunal civil, passé par le collège Stanislas et la faculté de médecine de Paris, reçu docteur en 1905, Paul Delaunay s’installa au Mans en 1906 et y exerça jusqu’à sa mort, en cabinet privé et, pendant vingt ans, à l’hôpital. Parallèlement à ses activités professionnelles, Paul Delaunay, marié, père de trois filles, pourvu d’une vaste culture classique et s’étant constitué une impressionnante bibliothèque, effectua, pendant plus de cinquante ans, de nombreuses recherches et publia plus d’une centaine d’ouvrages et de notices sur la médecine, l’histoire de la médecine, les sciences naturelles, l’histoire des sciences naturelles, l’histoire régionale, ainsi que, notamment, ses souvenirs de médecin-major durant la Grande Guerre, et son « journal » pendant l’Occupation allemande. Ses deux grands ouvrages, qui font encore autorité, dans le domaine de la géologie et du naturalisme, sont Le Sol sarthois et Études sur les Coëvrons.
Membre actif de plusieurs sociétés savantes parisiennes (Société d’histoire de la médecine ; Société d’histoire de la pharmacie), participant à des congrès internationaux, Paul Delaunay s’est aussi investi dans les sociétés savantes locales, principalement, succédant à Ambroise Gentil, à Sciences & Arts qu’il présida de 1927 à 1957. Pendant trente ans, entouré d’une équipe de fidèles collaborateurs (André Bouton, Fernand Letessier, André Pioger, François Dornic…), il assura, avec une grande régularité, s’intéressant à tous les sujets, les séances mensuelles et la publication des Mémoires annuels.
Dans la tradition des Humanistes du XVIe siècle, Paul Delaunay restait attaché à la figure de « l’honnête homme », possédant une vaste culture générale, pouvant passer d’un sujet à l’autre, persuadé que l’un enrichissait l’autre. Il redoutait les effets de l’inévitable « spécialisation à outrance » des programmes universitaires qui, selon lui, ne pouvait produire que des « garçons de laboratoire ». Par sa puissance de travail, l’éclectisme des sujets abordés, l’originalité de sa réflexion, son dévouement à notre Compagnie, associés à une très grande urbanité, celui que l’on peut appeler « le dernier des grands généralistes » aura été un très grand président de Sciences & Arts.
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2021
Une économie du face-à-face ?
Acheteurs et vendeurs sur les marchés et foires du Maine au XVIIIe siècle
Benoît Musset
Comme toutes les régions au XVIIIe siècle, le Haut-Maine est quadrillé par un réseau de foires et de marchés. Ces lieux concentrent une partie importante des échanges marchands, alliant le commerce des animaux, des subsistances (grains, beurre, œufs…) et des « commodités » (fils, étoffes, objets divers…).
Au fil des semaines, les marchés et foires mettent en contact un grand nombre d’acheteurs et de vendeurs qui concluent des transactions autour d’un prix. Mais cette mécanique simple d’apparence, résumée au détour d’une page d’Adam Smith par la métaphore de la « main invisible », repose ici sur un grand nombre de règles, de normes, de pratiques techniques, sociales et parfois morales intériorisées par les acteurs du commerce.
Individuellement et collectivement, ceux-ci appliquent une véritable grammaire des échanges, qui va de l’appréciation et la connaissance des marchandises à la négociation du prix, pour aboutir à la conclusion du marché. A chaque étape s’imposent des normes, interviennent des tiers facilitant ou compliquant l’échange, constituant autant de petites mains visibles organisant une harmonie plus ou moins aboutie de l’économie marchande. C’est à partir des archives consulaires (tribunal de commerce) que nous tenterons d’entrer dans cet univers économique parfois différent et parfois tellement semblable au nôtre.
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Les délits forestiers dans le Haut-Maine au XVIIIe siècle
Mathilde Plais
Bien que révélatrice d’enjeux majeurs relatifs aux espaces forestiers, l’activité de la Maîtrise particulière des Eaux et Forêts du Mans était jusqu’à présent quasiment inexistante des études historiques.
L’angle des délits forestiers permet une plongée totale dans les logiques sociales et judiciaires du XVIIIe siècle. À travers les archives judiciaires de la maîtrise et au prisme de l’Ordonnance de 1669, il s’agit de comprendre qui sont ces hommes qui coupent du bois illégalement et dans quel dessein.
Saisir la délinquance forestière du XVIIIe siècle, c’est expliciter et interpréter la dégradation du couvert forestier par les haches autant que par le bétail. Enjeu majeur et stratégique, la matière ligneuse est l’objet de représentations aussi différentes que d’usages. Cette prise en compte des considérations économiques et environnementales est complétée par la richesse des enjeux sociaux alors exacerbés. Les stratégies judiciaires sont le reflet de comportements et de mentalités s’insérant dans la vie des sociétés rurales du Haut-Maine.
Au fil des récits de ces affaires, c’est tout un univers, tout un ensemble de relations qui lient l’Homme à la forêt qui est donné à voir.
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Yzeuville : le patrimoine ordinaire et l’histoire sociale d’un quartier du Mans
Baptiste Louveau
Le quartier d’Yzeuville, aussi paisible que méconnu, isolé à l’est du Jardin des Plantes, porte dans ses bâtiments une histoire singulière autant que commune. Fruit du désir de son original et truculent fondateur Ambroise Yzeux, qui modèle ce quartier ex-nihilo en 1922, Cet espace est un exemple classique de lotissement de l’entre-deux-guerres, période aux besoins constants en logements.
Ce faubourg, situé sur l’ancienne commune Sainte-Croix, s’inscrit dans une logique généralisée d’étalement urbain et de volonté d’accès à la propriété privée. Il s’inscrit surtout dans une histoire locale marquée par le dynamisme économique, l’insalubrité du Vieux Mans de l’époque et une mixité socio-professionnelle forte. Un inventaire du patrimoine mené sur le quartier, autour de cette période de l’entre-deux-guerres, a permis de révéler dans l’architecture même des bâtiments (logements, espaces conviviaux, ateliers, école) tout ce contexte et cette histoire sociale.
Ce patrimoine ordinaire, qui est toujours un lieu de vie actif, est à redécouvrir pour ce qu’il est : un espace cohérent et révélateur d’une époque.
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Les très riches heures de la métallurgie en pays manceau
Philippe Legroux
Vers le VIIe siècle avant JC, moment de l’apparition de la métallurgie en Europe, le Maine connaît une importante activité métallurgique basée sur la réduction directe du métal. Les fouilles effectuées lors des travaux de la construction de l’autoroute A 28, puis de la LGV Paris-Rennes ont mis à jour de nombreux bas-fourneaux sur les communes voisines.
Les Celtes installés dans la région d’Aigné, La Milesse, y ont creusé des mines (extraction de notre roussard) et de nombreux bas fourneaux de plus en plus perfectionnés produisant du fer.
Ces sites resteront en activité jusqu’au Moyen Âge avec l’exploitation de nouveaux gisements (La Bazoge). Devant un accroissement de la demande et la nécessité de meilleurs rendements, les bas fourneaux laissent la place aux hauts fourneaux, plus performants, produisant de la fonte, mais nécessitant la présence d’un cours d’eau pour actionner les différentes installations (fusion, laminage, forgeage ou moulage).
En 1618, Jean III de Beaumanoir, ami d’Henri IV, donne à bail l’exploitation d’une « grosse forge » sur le site d’Antoigné. Elle restera la propriété de la famille jusqu’en 1791, date de leur mise sous séquestre. Le premier maître de forge, Raoul de La Royrie sera suivi de 31 autres. Parmi les plus notoires : Victor Doré et ses descendants : Armand Chappée et ses fils.
En 1859, le haut fourneau étant détruit par le feu, V. Doré le reconvertit en fonderie de seconde fusion, installant deux cubilots. Profitant de l’essor des chemins de fer, la « Forge » produit 24 tonnes de fonte/jour. Armand Chappée lui succède en 1875. Il développe le site d’Antoigné jusqu’à en faire une des premières fonderies de l’époque. En 1897 il ajoute au catalogue les célèbres radiateurs en fonte qui seront la gloire et le désespoir du site.
Devenus monoproduction suite au rachat par la SGF (Société Générale de Fonderie) de la société « Chappée et fils », calamiteusement gérée par Jules Chappée et ses fils, les crises pétrolières, l’apparition du radiateur tôle et le chauffage électrique auront raison d’une usine fabriquant 400 000 éléments de radiateurs/jour ! La fermeture définitive intervient en 1984.
C’est ainsi qu’une industrie née en 700 avant JC, dans la région d’Aigné et La Milesse, migrera suite à une évolution technologique majeure vers le site d’Antoigné et perdurera durant plus de 2 500 ans dans la région du « Pays manceau ».
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« La Sarthe sous les bombes »
Alain Moro
Bien que bombardée à 33 reprises par l’aviation alliée, la ville du Mans a subi peu de destructions tant matérielles qu’humaines. Les premiers bombardements furent opérés le 4 mars 1943 sur la gare de triage
Le 9 mars les ateliers de l’usine Renault, puis le terrain d’aviation et l’usine voisine "Gnome et Rhône"qui fabriquait des moteurs d’avion firent partie des cibles.
Ces opérations visaient des zones stratégiques toutes situées à l’extérieur et au sud de la ville, zones que les habitants vont chercher à quitter.
Malgré tout, le 7 mars 1944, les bombes touchèrent le carrefour Mariette-Bollée. Le dernier bombardement se déroula, le 6 août 1944, deux jours avant la libération de la ville, dans le quartier de Sainte-Croix-boulevard du général de Négrier.
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182 ans d'histoire de l'école Sainte Croix à l'établissement saint Charles - Sainte Croix
Jean-Noël Lesellier
L’établissement scolaire, connu sous le nom d’établissement Saint-Charles – Sainte-Croix depuis 2013, est le fruit d’une longue histoire qui a commencé en 1836.
L’abbé Basile Moreau a tout d’abord créé un pensionnat primaire.
Cette école, appelée Notre-Dame de Sainte-Croix, devient en 1850 un collège de plein exercice préparant au baccalauréat. Mais, confrontée à des difficultés financières, la congrégation des pères de Sainte-Croix, fondée par le père Moreau, ferme l’établissement en août 1868. Les bâtiments sont vendus. À l’initiative de l’évêque du Mans, Mgr Fillion, les jésuites, incités par le pape Pie IX, rouvrent l’établissement en octobre 1870. De 1870 à 2013, Sainte-Croix a considérablement évolué. Il a d’abord connu l’occupation prussienne en 1870, puis l’interdiction des jésuites en 1881, l’expropriation en 1911 avec un premier déménagement rue Prémartine, dans le couvent désaffecté des capucins. Réquisitionné fin 1914, il s’installe au bout de l’avenue Bollée où il est encore actuellement.
Durant ces périodes, de nombreuses constructions ont été réalisées pour faire face à une demande accrue, notamment de familles extérieures à la Sarthe qui souhaitaient mettre leurs garçons en pension chez les jésuites en raison de leur réputation de formateurs.
En 1969, Sainte-Croix devient lycée en cédant ses classes de collège à l’institution Saint-Louis et en recevant de ce dernier, les classes de second cycle. À partir de 1977, il ferme progressivement son internat et devient mixte. En 2011, Il intègre ce qui reste de l’Institution Sainte-Anne devenue école primaire, située avenue Bollée. En 2012 les établissements Sainte-Croix (devenu lycée) et Saint-Charles, situé à proximité, avenue Bollée fusionnent.
Le pensionnat primaire de 1836 est devenu un établissement d’enseignement polyvalent, général, technologique et professionnel de la maternelle au bac + 3, mais sans collège (classe de la 6ème à la 3éme) accueillant plus de 1500 élèves et étudiants.
En février 2013, la Compagnie de Jésus abandonne la tutelle de l’établissement au diocèse du Mans. Les jésuites étaient confrontés à une baisse de leurs effectifs et s’orientaient vers les pays en voie de développement. L’établissement Saint-Charles – Sainte-Croix s’inspire encore aujourd’hui de la pédagogie jésuite : présupposé de bienveillance, cura personalis, (attention personnelle à chacun), Magis (faire plus et mieux), méthode de la relecture, travail de groupe, apprentissage de la responsabilité, importance accordée aux sports d’équipe et au théâtre, discipline personnelle, etc…
Aujourd’hui, l’établissement Saint-Charles – Sainte-Croix est réparti sur 3 sites : une école maternelle et primaire dont l’entrée principale est située rue de Malpalu, un lycée général, technologique et professionnel auquel on accède par la rue Antoine de Saint-Exupéry (anciennement rue des Vignes), un « campus sup » qui regroupe les formations supérieures au bac tant en formation initiale qu’en alternance, installé avenue Bollée. En janvier 2020, d’importants travaux immobiliers ont démarré sur le site situé rue Saint-Exupéry et dureront jusqu’en 2022. Ils se situent dans le prolongement de l’extension de la construction des nouvelles salles d’équipements sportifs, entrées en service en 2018.
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