Robert Triger
ROBERT TRIGER (1856-1927),
SECRÉTAIRE (1884),
PUIS VICE-PRÉSIDENT DE SCIENCES ET ARTS (1912-1927)
PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE
ET ARCHÉOLOGIQUE DU MAINE (1899-1927)
HISTORIEN ET ARCHÉOLOGUE MANCEAU
Didier Béoutis
Si Robert Triger reste, dans les mémoires, comme l’actif président — de 1899 à 1927 — de la Société historique et archéologique du Maine (SHAM), il fut, parallèlement, un administrateur très présent de notre Société Sciences et Arts (SASAS). Admis comme membre titulaire en 1878, il fut, sous la présidence d’Ambroise Gentil, élu secrétaire en 1884, deuxième vice-président en 1912, puis premier vice-président en 1919, participant régulièrement aux séances mensuelles, y donnant des conférences et des articles, fréquentant assidûment notre bibliothèque, où il faisait état d’une érudition bienveillante et souriante.
Robert-Gustave-Marie Triger est né, le 26 février 1856, au Mans, fils de Gustave Triger, ancien élève de l’École polytechnique, inspecteur de la télégraphie. La famille était originaire de Douillet-le-Joly, commune proche de Fresnay-sur-Sarthe. Le jeune garçon fait ses études dans plusieurs lycées — dont ceux du Mans et d’Alençon —, au gré des affectations de son père. Alors qu’il a 15 ans, il assiste, de loin, depuis Alençon, aux combats de la Guerre franco-prussienne, ce qui le marquera. Après avoir commencé une préparation à l’École polytechnique, il s’oriente vers le droit, obtenant, à la faculté de Caen, le doctorat, en 1879. Mais sa véritable passion est le passé de sa province — plus particulièrement celui de son village de Douillet-le-Joly et de la ville du Mans —, auquel il décide de se consacrer totalement, ses revenus le mettant à l’abri du besoin. Pour cela — trop âgé pour y être élève —, il assiste, en auditeur libre, durant l’année 1882, aux cours de l’École des Chartes, afin d’y acquérir les méthodes de la recherche archiviste et paléographique.
Robert Triger adhère, alors, aux deux sociétés savantes mancelles, la SHAM et la SASAS, s’y montrant un adhérent actif, publiant régulièrement — jusqu’à sa mort — des études dans les différents bulletins de ces sociétés savantes, et gravissant les échelons de leur hiérarchie. Sous des aspects enjoués, il était confronté à un drame familial : marié en 1887, sans enfant, il eut la douleur de devoir placer son épouse, malade, dans une maison de santé, durant vingt ans, avant qu’elle ne décède, en 1924. C’est donc en solitaire — il n’avait ni frère, ni sœur — et modestement, qu’il vécut et travailla, dans sa maison de la rue de l’Ancien évêché, pendant de nombreuses années.
Très attaché à sa terre natale, Robert Triger y a exercé des mandats locaux : conseiller municipal de Douillet-le-Joly, entre 1884 et 1921 ; conseiller d’arrondissement de Mamers, où il représenta le canton de Fresnay, de 1886 à 1898. Il a notamment écrit l’histoire de Douillet, Fresnay, Ballon, Alençon, Sainte-Suzanne…
Patriote et catholique, Robert Triger écrivit aussi sur des personnages comme Ambroise de Loré, Marguerite de Lorraine — passés par Fresnay — Sainte Scolastique et Jeanne d’Arc, dont il organisera des fêtes au Mans, en 1909 et 1910. Au moment de la Séparation des Églises et de l'État, il avait pris l’initiative d’une vaste enquête sur l’état des églises de l’arrondissement de Mamers, au moment où elles devenaient propriété des mairies. Citée pendant le débat de la loi de séparation, son étude fut à l’origine d’un article garantissant «l’usage gratuit et indéfini des églises aux fidèles».
L’essentiel des productions de Robert Triger concerne Le Mans, sous toutes les formes de son passé. Parmi ses nombreux écrits, citons ceux relatifs aux bâtiments civils (Hôtel de Tessé, maisons de la vieille ville ; fortifications…) et religieux (Saint-Pavin, Saint-Benoît, la Visitation, l’abbaye Saint-Vincent, le collège de l’Oratoire, l’ancien évêché,…), aux évènements locaux (batailles du Mans de 1793, 1799 et 1871), des biographies de contemporains (Eugène Hucher, Henri Chardon,…).
Historien, conférencier, Triger fut aussi un militant de la préservation du passé de sa ville. Il est à l’initiative du premier dégagement de l’enceinte gallo-romaine (tour du tunnel) en 1910, et de la sauvegarde de monuments, comme la statue de Sainte-Madeleine, rue de Vaux, vouée à la destruction. Il a procédé, en 1903, au classement des pièces du musée d’archéologie du Mans. Il a aussi financé la construction de la crypte de l’église Saint-Pavin, pour y entreposer les reliques du saint.
Soucieux de mieux faire connaître le patrimoine historique du Mans et de la Sarthe, il organisait régulièrement des excursions et visites, où il accueillait des sociétés savantes de France et de Belgique, dont il était le correspondant local.
Dès la déclaration de guerre, en août 1914 — alors âgé de 58 ans —, il décide de cesser toute production historique, pour se mettre au service exclusif de son pays. Il occupera, ainsi les fonctions de chef brancardier et d’administrateur à l’infirmerie de la Croix-Rouge, installée dans les locaux de la gare ferroviaire du Mans, y déployant, jusqu’en janvier 1919, au risque d’une altération de son état de santé, une intense activité bénévole reconnue par tous, récompensée par diverses distinctions.
En 1919, Robert Triger reprendra ses responsabilités associatives et ses travaux historiques. En 1923, il fut chargé, par la Ville, d’organiser, à l’Hôtel de Tessé, une « exposition d’art rétrospectif » dans le cadre de l’Exposition internationale de l’Ouest, tenue au Mans. En 1926, il rassembla ses principaux écrits sur Le Mans en un volume intitulé Études historiques et topographiques sur la Ville du Mans. Le 1er juillet, il fit l’objet d’une grande manifestation de sympathie, à l’occasion du cinquantenaire de la SHAM et de ses « noces d’argent » de président.
Il décéda, le 15 janvier 1927, alors qu’il allait atteindre ses 71 ans. Sans descendance, Robert Triger fit don de sa maison de la rue de l’Ancien évêché à l’Évêché du Mans qui y installa sa direction de l’enseignement, jusqu’à ces dernières années, où l’immeuble fut vendu.
En remerciement pour tous ses états de services,
la Ville du Mans donna le nom de « Robert Triger » à la rue de l’Ancien évêché.
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