Pierre Térouanne
Pierre TÉROUANNE (1891-1980)
Bibliothécaire (1963), vice-président de Sciences et Arts (1974-1980),
artiste et archéologue manceau
par Didier Béoutis
Petit-fils du trésorier-payeur général de la Sarthe, EdmondTérouanne — originaire du Pas-de-Calais —, et de l'industriel manceau Jules Carel, Pierre Térouanne est né au Mans le 27 juillet 1891. Après des études au collège Saint-Louis et au lycée du Mans, le jeune Pierre entra dans l'entreprise familiale Carel de construction de matériel roulant ferroviaire.
Marié le 30 avril 1914 à Simone Avice, fille de l'ancien banquier et maire d'Allonnes Gustave Avice, Pierre fut mobilisé trois mois plus tard dans le 117ème régiment d'infanterie. Il eut une conduite héroïque lors de la sanglante bataille de Virton, le 22 août. Blessé de trois balles aux deux bras et ayant dû lâcher son arme, il accompagna son régiment jusqu'à l'issue du combat, entonnant, pour encourager ses camarades, La Marseillaise et Le chant du départ ! Le 12 novembre suivant, il était décoré de la médaille militaire, distinction réservée aux sous-officiers, alors que, dans l'intervalle, il avait été promu lieutenant ! Pierre Térouanne fut ensuite versé dans l'aérostation, effectuant, notamment dans l'Aisne et les Vosges, des missions d'observation. La guerre terminée, Pierre Térouanne retrouva ses activités professionnelles, siégeant notamment dans les conseils d’administration de l’entreprise Carel et Fouché, dont il fut le président, et des compagnies des Tramways de la Sarthe et de l’Ille-et-Vilaine.
Homme distingué, élégant, aux traits fins, portant monocle sur l’œil droit, plein de sagesse et humour, père de famille nombreuse, Pierre Térouanne était doté d’un sens artistique qui le conduisit à pratiquer avec succès le dessin au fusain, le modelage, la photographie, la gravure sur bois. Il avait fondé, en 1922, avec ses amis Broutelle, Gaspard-Maillol et Raimbault, l’éphémère Groupe des quatre graveurs du Mans. Il avait aussi financé, avec une grande générosité, au Mans, l’entreprise de fabrication de papier pur chiffon, « le Papier de Montval » qu’avait créé Gaspard-Maillol, le neveu du sculpteur Aristide Maillol. Pierre Térouanne fut aussi un des pionniers du scoutisme dans l’ouest, très populaire par ses participations à des feux de camp et par son surnom totémique de « verre solitaire », allusion à son monocle.
"verre solitaire"
Durant l’Occupation allemande, sa maison de la place Girard et le château familial de la Forêterie à Allonnes furent réquisitionnés. Son atelier fut occupé par de jeunes officiers allemands, plus intéressés aux arts qu’à la doctrine du IIIème Reich. En 1943, Pierre Térouanne y rencontra l’écrivain Ernst Jünger, qui évoqua, dans son journal « Monsieur de Térouanne, homme d’un esprit élevé et agréable, comme seule sait en former une vie passée dans un loisir absolu ». Pierre Térouanne entra dans la Résistance, effectuant des missions dans la région de Saint-Malo.
La vocation d’archéologue de Pierre Térouanne lui vint plus tard, de manière fortuite, en 1953, à la suite d’une forte tempête qui, arrachant un grand acacia, fit découvrir, dans son domaine de la Forêterie, des traces de maçonnerie très ancienne. Pierre Térouanne put ainsi entreprendre des fouilles, et identifier les restes, sur son site de la Tour aux fées, d’un temple gallo-romain dédié au dieu Mullo (appellation de Mars dans la Gaule de l’ouest).
Il se rapprocha alors de notre Société dont il était membre depuis 1923, assistant régulièrement aux séances, étant promu bibliothécaire en 1963, puis vice-président en 1974. Il fit paraître, dans les bulletins mensuels et les volumes de mémoires de Sciences & Arts, de 1959 à 1979, des notes et articles qui permettent de reconstituer la chronologie des découvertes. Pierre Térouanne, qui se qualifiait en toute modestie de « terrassier » s’intéressa aussi à d’autres sites archéologiques sarthois (Villaines-la-Carelle ; Laigné-en-Belin, Avoise, Rouez-en-Champagne…) La ville d’Allonnes a créé, au pied du sanctuaire de Mars Mullo, un Centre archéologique Pierre Térouanne regroupant le mobilier archéologique issu des fouilles, et accueillant notamment les scolaires.
Poussant ses investigations au Moyen-Âge, Pierre Térouanne se prit de passion pour la reine Bérengère, à la suite de la découverte, en 1960, d’un squelette de femme, dans l’ordre anatomique, dans la salle capitulaire de l’abbaye cistercienne de l’Épau. À la suite d’études minutieuses, Pierre Térouanne réussit à prouver qu’il s’agissait bien des ossements de Bérengère. Ce qui voulait dire que les restes conservés dans la cathédrale du Mans, dans une boîte en chêne ouverte en 1920, se trouvant sous le gisant en pierre de la reine, étaient apocryphes... Notre Société émit le vœu, en 1969, que le gisant de la reine fût transféré de la cathédrale à la salle du chapitre de l’abbaye, ce qui fut réalisé en 1988, huit années après la mort de Pierre Térouanne, survenue le 5 juillet 1980. Une belle victoire — hélas posthume — pour le « chevalier de la reine » !
Le "chevalier" près de sa reine
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