68- Paul Delaunay, 1927
Paul Delaunay
1927 à 1957
par Didier Béoutis
Né à Mayenne le 16 février 1878, mais d’origine sarthoise, Paul Delaunay est le fils du greffier au Tribunal civil de la ville. Il fait ses études au petit séminaire de Mayenne, puis au collège Stanislas à Paris, avant d’entamer des études à la Faculté de médecine de Paris. Il est reçu docteur en médecine en 1906, sur une thèse portant sur « Le monde médical parisien au XVIIIe siècle », étude qui recevra le prix Hugo décerné par l’Académie de médecine. Paul Delaunay ouvre alors un cabinet au Mans où il exercera jusqu'à sa mort, en 1958, parallèlement à ses fonctions de médecin-chef des services de médecine générale à l’hôpital du Mans, où il sera nommé à la fin de la Grande Guerre. Marié en février 1907 avec Mlle Marie-Louise Guittet, fille du notaire de Sillé-le-Guillaume, Paul Delaunay sera père de trois filles.
Mobilisé comme médecin aide-major en 1914, il se porte volontaire pour le front, devenant médecin d’un bataillon du 31ème régiment d’infanterie territoriale. Il publiera, en 1921, sous le titre « Paysages de guerre et choses du vieux temps. Carnets d’un aide-major », ses carnets de guerre. Attributaire de la croix de guerre en 1918, il sera fait, en 1934, chevalier dans l’ordre de la Légion d’honneur, et sera aussi officier des Palmes académiques, distinctions qu’il n’avait guère cherchées, car il était peu sensible aux honneurs…
Au-delà de ses activités médicales et hospitalières, Paul Delaunay est un grand érudit « généraliste », d’une culture encyclopédique dans de nombreux domaines, à la manière des humanistes du XVIe siècle, lisant beaucoup -y compris le latin- et retenant tout, aussi à l’aise dans les sciences médicales que dans l’histoire de la médecine, des sciences naturelles, l’histoire régionale, de surcroît bibliophile et collectionneur.
Depuis son enfance, le jeune Paul herborisait sur les chemins sarthois, en compagnie de son grand-père, complétant son instruction par de nombreuses lectures. Dès 1904, il avait publié des portraits de « Vieux médecins mayennais » et une étude intitulée « Alcooliques et névrosés, silhouettes d'écrivains : Edgar Poe, Hoffmann ».
À son installation au Mans, en mars 1906, Paul Delaunay est recruté à la Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe par le président Ambroise Gentil qui l’avait remarqué lors de séances d’herborisation. Élu secrétaire en décembre 1906, puis vice-président en décembre 1916, il accède à la présidence de « Sciences et arts » en juillet 1927, à la mort d’Amboise Gentil. Au-delà des séances mensuelles et de la confection des volumes de mémoires annuels et des bulletins mensuels, Paul Delaunay s’attache à constituer une brillante équipe de naturalistes (notamment Hutrel, Monguillon, Déan-Laporte, Degaugue) avec lesquels il organise régulièrement des sorties dans la Sarthe à la recherche de nouveautés géologiques, botaniques et faunistiques. Le fruit de ces recherches fait alors l’objet d’études et de classements. En 1927, le docteur Delaunay et son équipe avaient été sollicités par la Ville du Mans pour procéder au classement et au rangement des collections artistiques et scientifiques du musée municipal, à l’occasion du transfert des cloîtres de la Couture à l’hôtel de Tessé.
Paul Delaunay était membre actif de plusieurs sociétés savantes internationales, nationales et locales ("Société française d’histoire de la médecine" dont il avait été un des fondateurs ; "Société d’histoire de la pharmacie" ; "Société internationale d’histoire de la médecine" ; "Académie internationale d’histoire des sciences" ; "Mayenne Sciences").
Resté attaché au Museum d’histoire naturelle de Paris -où il aurait aimé faire sa carrière-, Paul Delaunay s’y rendait régulièrement, lors de séjours dans la capitale où il fréquentait aussi les dépôts d’archives et les séances et congrès de la "Société française d’histoire de la médecine", où il présentait des communications. Dans les années 20 et 30, il se rendait aussi régulièrement dans les pays d’Europe pour participer aux congrès des différentes sociétés savantes scientifiques.
Trop âgé à la fin de la guerre pour reprendre les expéditions dans la Sarthe, Paul Delaunay, devenu sédentaire, s’orienta alors vers les études historiques de la société sarthoise au cours du XIXe siècle.
Des nombreuses publications de Paul Delaunay -ouvrages ; notices et articles parus dans diverses publications-, on peut retenir :
. « Le Sol sarthois, ses historiens, son histoire géologiques, sa géographie botanique, économique, historique et politique » (1408 p. Monnoyer 1927-1941). Fruit de ses recherches sur le terrain, « le Sol sarthois » constitue l’œuvre principale de Paul Delaunay.
. « Étude sur les Coëvrons » (1941-1956) ;
. « La Vie médicale aux XVIème, XVIIème et XVIIIème siècles » (556 pages, 1935).
. ses biographies en plusieurs publications, souvent dans les mémoires des sociétés savantes (« Vieux médecins mayennais » ; « Vieux médecins sarthois » ; « Galerie des naturalistes sarthois » ; les nombreuses notices nécrologiques parues dans les bulletins de Sciences et Arts de 1934 à 1957), aujourd’hui très utiles à l’historien ;
. ses notices sur la médecine (notamment « Les ulcérations du col utérin » ; « L’antiseptie pulmonaire dans les plaies du thorax ») ;
. ses notices sur l’histoire de la médecine (notamment « Les guérisseurs ambulants dans le Maine » ; « L’Histoire de la Société de médecine du Mans ») ;
. ses notices d’histoire régionale (notamment, « La levée de 1792 dans la Mayenne » ; « La Mayenne révolutionnaire » ; « Tombeaux mérovingiens à Connerré » ; « La Chouannerie de 1832 dans le Maine »).
Les travaux de Paul Delaunay sont rédigés dans un style agréable, parfois malicieux. L’écrivain biologiste Jean Rostand a écrit sur lui : « Cette belle œuvre défiera le temps et sera toujours consultée par les historiens, qui y trouveront une source irremplaçable d'information et une haute leçon d'élégance, d’achèvement, de rigueur et d'indépendance ».
En 1956, le grand érudit qu’était Paul Delaunay jetait un cri d’alarme devant la spécialisation des formations, écrivant : « La spiritualité est défaillante. Les bonnes lettres sont en régression, voire dans les programmes universitaires qui tendent à promouvoir une culture de garçons de laboratoire ou de surveillants de robots. La belle formation libérale de jadis est menacée. »
Malade et fatigué, Paul Delaunay ne sollicite pas le renouvellement de son mandat de président de « Sciences et arts » en janvier 1957, permettant ainsi la transition avec son successeur André Bouton. Il décède au Mans, en son domicile du 36, rue Chanzy, le 3 février 1958, à quelques jours de son 80ème anniversaire, alors que ses amis avaient prévu une réception spéciale en son honneur.
La Société d’agriculture, sciences et arts de la Sarthe s’honore d’avoir pu bénéficier, pendant trente ans, d’un président aussi remarquable que Paul Delaunay.
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